Retour sur le dernier hold-up environnemental en date.
Depuis quelques années, nous avions l’impression d’avoir touché le fond en matière de gestion des pêches. Il nous avait en effet fallu « accepter » de devoir pêcher avec un chalut décollé pour protéger le cabillaud en Mer Celtique puis subir une baisse drastique de quotas (-37%) pour la sole du golfe de Gascogne, pourtant historiquement gérée à l’optimum de gestion (RMD) depuis plusieurs années. Enfin, nous n’avons pu que déplorer l’utilisation d’une approche de précaution toujours plus dévoyée (TAC sole VIIhjk). Toutefois, avec la poursuite de la mise en œuvre du règlement Grands Fonds concernant la protection des Ecosystèmes Marins Vulnérables (EMV) dans les eaux dont la profondeur est supérieure à 400 mètres, nous avons certainement atteint un nouveau point bas pour l’avenir des pêches….
Contexte
En ce qui concerne la protection de ces EMV, nous ne partions pourtant pas de zéro. Si l’on prend pour référence l’emblématique espèce de corail Lophelia Pertusa, sa présence est avérée à des profondeurs comprises entre 600 et 1 400 mètres. Pour mémoire, l’exercice du chalutage de fond en deçà des 800 mètres de profondeur est interdit dans les eaux européennes depuis 2017, et les activités au filet limitées à 600 mètres depuis la fin des années 2000. Il ne s’agissait donc que de protéger la queue de la comète, exercice d’autant plus simple et théoriquement indolore pour les activités de nos adhérents que de tels EMV ne sont encore présents que dans les zones trop accidentées pour être travaillées…
Hélas, par une terrible imbrication de manque de finesse d’analyse et de choix politiques ne visant que la protection sans aucune recherche de mitigation, la proposition de la Commission Européenne, entrée en vigueur le 9 octobre, est venue fermer plus de 14 000 Km2 de zones de pêche… Alors même qu’un ordre de grandeur de 2 à 3 000 Km2 étaient assurément suffisants pour parvenir au même niveau de protection, mais en maintenant la plupart des activités de pêche profondes.
A qui la faute ?
En premier lieu, évidemment, la Commission Européenne porte une majeure partie de cette responsabilité, ayant préparé et adopté l’acte d’Exécution qui a entrainé ces fermetures. Au-delà de sa volonté politique de protéger les océans que nous connaissions tous, nous ne nous doutions pas qu’elle pouvait désormais s’affranchir de certaines valeurs européennes, pour ne pas dire points de Droit. Interdire les activités de pêche au filet et à la palangre dans les zones tampons destinées aux activités de chalutage est une injustice inexplicable. De même, organiser des fermetures de zones à superficie variable du Nord au Sud de l’Europe (depuis 70 jusqu’à 93 km2) pour le même motif, constituant ainsi une non équité de traitement, nous apparait à tout point de vue inédit.
La Commission Européenne a donc franchi un nouveau palier, mais nous devons aussi reconnaitre la totale absence d’implication de nos contre-pouvoirs institutionnels. L’État Français, via la DGAMPA, et avant l’arrivée du secrétaire d’État M. Berville, a en effet voté en faveur de la proposition de la CE fin juin. Malgré nos multiples alertes et sollicitations, ni M. Karleskind ni M. Bellamy ne se sont exprimés sur ce sujet pour prendre notre défense en Commission Pêche du Parlement Européen, malgré de multiples occasions.
Notre rôle
Durant la phase de préparation de cet acte d’Exécution, et dans la lignée de nos travaux habituels, nous avons échangé à plusieurs reprises avec la DG AMPA pour fournir nos recommandations. Force est de constater que ces échanges n’auront pas été très productifs. De manière plus inédite, nous avons également participé de manière active aux échanges ayant lieu dans le cadre de la coalition Européenne pour la défense du chalut (EBFA) et adressé un courrier à la Présidente de la Commission Européenne. A plusieurs reprises, des éléments de compréhension et de positionnement ont été adressés aux Membres de la Commission Pêche du Parlement Européen, à l’instar de la diapositive ci-contre, permettant de comprendre les enjeux de méthode, la réalité des travaux scientifiques et les choix politiques réalisés.
Perspectives
L’acte d’Exécution récemment publié ne constitue que le démarrage de travaux qui seront désormais récurrents. Chaque année en effet, sur la base des nouveaux travaux scientifiques, la Commission Européenne pourra venir modifier la liste des zones fermées. Il est ainsi attendu une potentielle révision des zones fermées à la fin du printemps prochain. Bien conscients que les seules « avancées » scientifiques ne risquent pas d’améliorer les impacts pour nos adhérents, nous poursuivrons nos efforts pour faire comprendre à la Commission certaines de ses défaillances.
En parallèle, il nous faudra certainement nous impliquer pour tenter de désamorcer les nouveaux problèmes de cohabitations qui ne manqueront pas de survenir.
Le mot d’Yves Foëzon
« Une fois encore, Bruxelles cède sous la pression de pensées dogmatiques en matière environnementale. Nous estimons que la méthode choisie ne prend pas suffisamment en compte l’impact socio-économique d’une possible fermeture de ces zones. Les reports de l’effort de pêche qui en résulteraient peuvent conduire à d’importants déséquilibres, y compris écologiques, comme à des conflits entre les métiers. Il faut ouvrir ce débat à une plus large concertation avec les professionnels. »