Les échanges de quota sont un des travaux importants de l’OP, et suivant les années, ils peuvent avoir un rôle déterminant pour l’activité de telle ou telle flottille. La pêche n’est pas une activité prévisible ni linéaire : des changements importants se produisent tant au niveau des quotas annuels dont dispose l’OP, qu’au niveau des rendements réels et de l’apparence de telle ou telle espèce dans les pêcheries.
Un exemple récent les plus criants de cette réalité est le petit quota de sole en zone VIIhjk (Ouest Bretagne) : ce quota a baissé de 15% en 2021 alors que le rendement des chalutiers hauturiers qui travaillent dans cette zone a été multiplié par deux sur les dernières années… Au total, alors que le sous-quota LPDB initialement alloué n’est que de 32t en 2021, la production des navires a atteint le record de 106t !! et encore, avec des limitations drastiques et une fermeture anticipée à mi-novembre. L’écart entre les 106t débarquées et les 32t de quota alloué en début 2021 provient d’échanges, principalement réalisés avec une OP irlandaise. En réalisant ces seuls échanges l’OP LPDB a permis à ses adhérents de réaliser plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires supplémentaire l’an dernier.
Les échanges de quotas peuvent donc être un outil puissant pour pallier un certain manque de quota. Ils ne sont pas non plus un outil miraculeux.
Les échanges peuvent être réalisés avec des OP françaises ou étrangères ; malgré le Brexit, des échanges avec les OP britanniques restent possibles.
Même si certaines conditions paraissent évidentes, il est important de rappeler quelques réalités concrètes.
Pour pouvoir réaliser un échange il faut :
- que du quota soit disponible chez nos partenaires : évidemment si eux-mêmes détiennent trop peu de quota et surtout s’ils le consomment totalement, il n’y a aucune marge pour réaliser un échange ! Pour qu’un échange de quota se fasse une OP doit disposer d’un surplus de quota par rapport aux besoins de ses propres adhérents.
- que des contreparties (« monnaie » d’échange) intéressantes et utiles puissent être proposées : même si au niveau national (FR), la DPMA accepte que des « dons » sans contrepartie soient réalisés (elle ne l’accepte pas au niveau des échanges avec l’étranger), l’intérêt de toute OP est de récupérer une contrepartie qui intéressera l’activité de ses adhérents ; surtout lorsqu’il s’agit de volumes importants.
- que chaque partenaire impliqué dans l’échange soit prêt et disposé car chacun est libre d’accepter l’échange au moment qui lui convient : les saisonnalités dans les pêcheries sont parfois différentes et une OP attend généralement d’avoir la meilleure visibilité sur les besoins de ses propres adhérents pour accepter de céder son surplus de quota. Certains adhérents reprochent parfois que l’échange « arrive trop tard » mais s’agissant d’un mécanisme reposant sur un accord réciproque, nous ne sommes malheureusement pas les seuls maîtres du calendrier…
En un mot, les échanges de quota sont des accords négociés dans lesquels une seule des parties, quel que soit son intérêt vital, ne peut imposer son choix ou-bien son timing. Il convient d’entretenir des relations souvent sur plusieurs années pour parvenir à fluidifier le plus possible cette démarche.
Peut-on s’appuyer sur les échanges pour construire une stratégie de développement des flottilles ?
L’objectif recherché en permanence est de maintenir l’équilibre entre d’un côté la capacité de production d’une flottille (nombre de navires, débarquements…) et le quota dont on dispose. Lorsque cet équilibre est déjà atteint (voire dépassé…), l’OP doit refuser de faire adhérer de nouveaux navires pour ne pas prendre le risque de mettre en difficulté la rentabilité de ceux qui sont déjà en activité. Cette décision difficile est souvent d’autant plus complexe à comprendre que des possibilités d’échanges de quotas semblent exister qui permettraient de « faire une place » à un nouvel entrant…
Le souci vient du fait que les possibilités d’échanges se regardent à un instant T alors que l’investissement sur un navire s’inscrit dans un projet à 10-15 ans. Est-il responsable de dire « oui » à un jeune installant une année et finalement un peu plus tard, devoir lui annoncer « désolé mais les échanges ne permettent plus de récupérer assez de quotas pour ton navire… » ?
On comprend bien là que miser sur un espoir d’échanges pérennes et stables pour garantir l’exploitation d’un navire n’est pas réaliste.
Y a-t-il un risque avec les échanges ?
Une forte dépendance aux échanges n’est pas une situation saine ; elle traduit généralement une « surcapacité », c’est à dire une flottille trop importante pour les quotas détenus par l’OP. Cette dépendance aux échanges se paye douloureusement dès que la baisse du TAC s’amorce.
En effet, une OP échange ses « surplus » de quotas, ce qu’elle n’utilise PAS. Or, lorsque le TAC baisse (ou bien lorsque les rendements de ses propres adhérents augmentent alors que le TAC stagne), elle commence par utiliser pour ses propres navires ce qui auparavant, apparaissait comme un « surplus » disponible pour d’autres.
Très souvent donc, lorsque le TAC baisse, on note un effondrement plus rapide encore de la part issue des échanges et les restrictions imposées aux navires sont ainsi supérieures à l’effet de la seule baisse du TAC … !
Les échanges sont des solutions qui peuvent pallier TEMPORAIREMENT un manque de quota. Lorsqu’un quota baisse, les échanges atténuent AU DEPART cette baisse. Si la situation dure, les échanges finissent par se tarir drastiquement. Les échanges comportent une part d’incertitude et d’aléas qu’il est possible de réduire mais jamais d’effacer totalement. Personne n’est jamais totalement en situation de garantir la réalisation d’un échange de quota.
A qui profitent les échanges ? qui donne ? qui reçoit ?
Chaque année est spécifique et il est difficile de donner des éléments précis sans se référer à un exemple concret ; en sachant que ce qui s’est passé en 2019 par exemple, sera sans doute très différent en 2022.
En 2019 donc, l’OP a réalisé 25 échanges différents avec des OP françaises et européennes. Nous avons récupéré environ 8 500t de 36 quotas différents, et nous avons cédé environ 3 400t sur une quinzaine seulement de stocks autres. Ainsi nous récupérons non seulement bien davantage de volume mais également une diversité de « petits » quotas plus importante. Les volumes récupérés ont permis à nos adhérents de pêcher plus de 17 M€ de CA supplémentaires.
Les quotas que nous avons récupérés sont essentiellement des espèces pélagiques : chinchard, germon, anchois mais aussi du sabre noir, du merlan du golfe de Gascogne, des raies, de la lingue de mer du Nord, du lieu jaune et dans une moindre mesure de la langoustine du golfe…
Comme on peut le voir à cette seule lecture, tous les adhérents ou presque de LPDB profitent à un moment de ces échanges.
Parfois les volumes récupérés sont tout à fait considérables au regard du quota initial attribué à l’OP par l’Etat, sur la base des seules antériorités de ses membres (voir exemples ci-dessous). Ainsi, pour la dorade rose, la lingue en zone IV, le chinchard ou bien la plie en zone VIIhjk, les quotas acquis grâce aux échanges ont permis de multiplier par 3 le volume dont nous aurions dû normalement nous contenter !
Les contreparties apportées par LPDB dans le cadre des échanges sont issues des quotas alloués par l’Etat français et proviennent à la fois des antériorités des navires actifs ou de ceux qui ont quittés l’OP (PSF, ventes sans transfert des antériorités…). Pour l’essentiel, ce sont nos quotas importants de lotte, merlu et lingue (zones VI, VII et VIII) qui constituent notre « monnaie d’échange ». Ces quotas étant sous consommés aujourd’hui par nos adhérents, le surplus bénéficie à la collectivité.
Pour résumer, que ce soit pour les échanges de quotas comme pour d’autres missions de l’OP, la solidarité et la gestion collective, démultiplient les capacités de l’organisation et renforcent chaque entreprise qui la compose.