Les Pêcheurs de Bretagne : Ce début d’année exceptionnel à plus d’un titre a-t-il fait émerger des problématiques particulières ?
Yves Foëzon : Le commencement de l’année 2020 est une véritable accumulation de problématiques, même hors Covid ! Pour les professionnels en mer, c’est encore plus compliqué que d’habitude. C’est dire… Parmi les principales difficultés que nous devons affronter, on peut citer notamment l’obligation d’utiliser le chalut décollé en mer Celtique, la baisse des quotas de cabillaud, les captures accidentelles de cétacés, le Brexit et la crise sanitaire. Et je n’évoque même pas les tempêtes hivernales…
LPdB: Le moral de la profession est donc loin d’être au beau fixe ?
Y.F. : Le début d’année et les perspectives du second semestre 2020 nous laissent à penser que les conséquences sur l’ensemble de la filière seront complexes à résoudre. A ces menaces, s’ajoute le sentiment que la pression et le dogme environnementalistes ne vont pas forcément dans notre sens. D’autant plus que les arbitrages de l’Union européenne et de la France en la matière sont rarement en faveur de la pêche.
Plus qu’une baisse de moral, nous éprouvons un véritable ras le bol ! Nous avons l’impression qu’on nous en demande toujours plus et que cela ne s’arrêtera jamais ! Pendant que la Commission européenne continue d’avancer ses pions, les pêcheurs passent de plus en plus de temps à gérer des contraintes administratives au lieu de pouvoir se concentrer pleinement à préparer l’avenir et à pérenniser leurs entreprises.
LPdB: Et à tout cela, s’ajoute la crise sanitaire…
Y.F. : Effectivement le choc a été très dur pour nous tous. Pour l’OP, par exemple, le séisme financier a été brutal. En six mois, nous avons dépensé pour les interventions (achats OP) l’équivalent d’une année « normale » entière. Nous avons rapidement été contraints de suspendre les ordres d’achat car nous sommes les garants de la gestion collective. Dans ce contexte inédit et violent, nous avons dû prendre des décisions que certains ont mal vécues, les jugeant injustes d’un point de vue individuel mais qui étaient justifiées pour l’intérêt général et l’ensemble des adhérents, collectivement. Nous avons le devoir de faire vivre notre organisation sur le long terme ! C’est la raison pour laquelle nous avons dû nous positionner lors de (trop longues) discussions avec la grande distribution, le seul débouché possible au plus fort de cette crise.
Mais à l’heure où je prends la parole, rien ne semble terminé pour autant. En cette rentrée, les signes de la reprise demeurent fragiles et la rentabilité des entreprises toujours menacée. Malgré tout, nous espérons tous que le plan de relance du gouvernement sera suffisamment performant pour nous permettre de repartir et de survivre et que le nouveau Ministère de la Mer saura nous entendre.