Pour le troisième épisode de « La pêche en questions », Philippe de Lambert des Granges, directeur de projet Brexit au sein de la DPMA après plus de six ans passés en tant que sous-directeur des ressources halieutiques a accepté de répondre à nos questions sur le Brexit afin de faire un état des lieux des négociations et appréhender les conséquences et les perspectives pour la pêche française.
A ce stade, quelles sont les issues possibles du Brexit ? Que prévoit l’accord de retrait du 25 novembre 2018 dans le domaine de la pêche ? La pêche est-elle traitée à part entière dans cet accord ? Que reste-t-il à négocier ? Des négociations bilatérales entre pays membres de l’UE et Royaume-Uni sont-elles possibles ? Les droits internationaux, droits d’usages peuvent-ils s’appliquer ?
La pêche est une matière qui est spécifiquement traitée dans l’accord de retrait validé côté européen. C’est un signe de l’importance qui lui est accordée dans ces discussions. Il est d’abord prévu que durant la période de validité de l’accord de retrait soit jusqu’au 31 décembre 2020, le Royaume-Uni applique les règles de la PCP tout en ne faisant plus partie de l’Union européenne. Il est alors associé sans pouvoir de décision aux décisions communautaires. Ensuite l’UE et le Royaume-Uni indiquent leur volonté de mettre en place les meilleurs efforts pour aboutir à un accord de pêche avant le 1er juillet 2020 soulignant toute l’importance de cette priorité.En n, en cas d’échec des discussions sur le futur accord global entre le Royaume-Uni et l’UE, il est prévu un let de secours, le « backstop ». Le Royaume-Uni s’intègre alors dans une union douanière avec l’UE à la seule exception des produits de la mer qui n’y sont pas inclus sauf à ce que l’on débouche sur un accord de pêche en particulier. Dans ce schéma du « backstop », les produits de la mer du Royaume-Uni sont soumis aux droits de douane prévus pour les autres pays tiers qui souhaitent exporter vers l’UE. Il n’y aura pas de négociations ou discussions bilatérales entre un Etat-membre et le Royaume-Uni. La pêche est une « compétence de l’Union » seule la Commission sera habilitée à négocier au nom des Etats-membres avec le Royaume-Uni. Elle se verra délivrer un mandat précis validé par les Etats-membres.
En cas de sortie sans accord :
A- Quelles seront les conséquences pour le secteur de la pêche française ?
Après le Brexit, le Royaume-Uni sera un pays tiers. La pêche dans les eaux d’un pays tiers est interdite, sauf accord exprès conclu avec ce dernier. Ainsi, en l’absence d’accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, que ce soit l’accord de retrait (qui prévoit le maintien des accès réciproques pendant la période de transition jusqu’à fin 2020) ou un accord spécifique à négocier, la pêche des navires européens, dont français, sera interdite dans les eaux britanniques. Il en sera de même, réciproquement, pour la pêche des navires britanniques dans les eaux européennes.
B- Quelles sont les « solutions » envisagées pour limiter leur impact ?
Dans l’attente de la négociation d’un accord, deux options sont envisagées pour limiter l’impact de la fermeture des eaux britanniques. D’une part, le gouvernement britannique avait évoqué la possibilité de maintenir, dans un cadre réciproque et jusqu’à la fin de l’année 2019, des possibilités d’accès à ses eaux pour les navires communautaires. L’Union européenne et les Etats-membres ont pris les mesures nécessaires pour mettre en œuvre cette proposition si les Britanniques la concrétisaient. D’autre part, dans le cas contraire, un dispositif permettant d’indemniser l’arrêt temporaire des navires qui le souhaitent sera mis en place pour limiter le report vers d’autres zones et prendre en compte la situation des navires qui n’ont pas d’alternative dans les eaux européennes.
C- L’UE peut-elle empêcher le Royaume-Uni d’exclure les navires étrangers de ses eaux ?
Non, en sortant de l’UE, le Royaume-Uni reprend pleinement sa compétence sur ses eaux. Il peut en revanche toujours décider de maintenir des droits d’accès.
D- Dans le cas d’une participation du Royaume-Uni aux élections européennes, quel impact sur l’élection du futur président de la CE ? Quel impact sur le calendrier financier pluriannuel 2021-2027 ?
Tant que le Royaume-Uni n’est pas sorti de l’UE, c’est-à-dire que le Brexit, avec ou sans accord n’est pas intervenu, il reste un Etat-membre à part entière.
En cas d’adoption de l’accord du 25 novembre 2018, une période de transition est prévue jusqu’à fin 2020 (prolongeable jusqu’à fin 2022) pour définir les conditions de sortie du Royaume-Uni.
A- Qu’en sera-t-il de la gestion des pêches (accès aux eaux, répartition des droits de pêche, réglementation) pendant cette période de transition ?
L’accord prévoit l’application intégrale de toutes les règles de la PCP, dont l’accès aux eaux et les modalités de partage des quotas.
B- La pêche sera-t-elle un sujet prioritaire des négociations ? Des accords ont-ils déjà été trouvés ?
Il n’y a pas de futur accord sur la pêche qui serait déjà élaboré en secret. La position de l’Union européenne est, depuis le début de la discussion sur le Brexit, de n’en- gager de négociation sur la relation future que lorsque les conditions du retrait lui-même seront définitivement actées, ce qui n’est toujours pas le cas.
La priorité est donc, comme cela est évident, que le Royaume-Uni valide l’accord de retrait afin de sortir en bon ordre ce qui veut dire se donner le temps et les moyens de pouvoir négocier la future relation de pêche dans les meilleures conditions.
La pêche, comme indiqué à plusieurs reprises par les Conseils européens, comme transcrit dans la Déclaration sur les relations futures, demeure une grande priorité. Plus précisément, cette priorité s’exprime par la volonté de garder selon les termes appliqués, le maintien aux accès et aux ressources existants.
C- Quels sont les atouts français et européens dans la négociation ?
La future relation avec le Royaume-Uni nécessitera des accords dans de très nombreux domaines. Il est donc important d’inclure la négociation sur la pêche dans la négociation des autres volets économiques et financiers, pour que cette relation soit durable et équilibrée.
D- Quels seront les sujets prioritaires à défendre par les Etats-membres (la France en particulier) pendant cette période de transition qui précèdera la sortie définitive du Royaume-Uni en ce qui concerne le secteur de la pêche ?
La France défendra la totalité de ses intérêts en bonne intelligence avec les autres Etats-membres.
E- Le report du Brexit (et donc la diminution de la durée de la période de transition) et l’incertitude sur son issue ne sont-ils pas de mauvais augure pour les négociations qui concernent la pêche ?
Seul l’avenir le dira.