Nouvelle présidente du conseil d’administration de l’Organisation de Producteurs Les Pêcheurs de Bretagne, Soazig Palmer-Le Gall nous explique comment elle entend prendre la suite de Jo Loussouarn et Patrice Donnart.
Les Pêcheurs de Bretagne : Comment abordez-vous ces nouvelles responsabilités ?
Soazig Palmer-Le Gall : Pour être sincère, je ne pensais pas présenter ma candidature mais j’ai été sensible aux nombreuses marques de confiance qui m’ont été adressées. Pourtant ce n’est pas une affaire de personne, le plus important, c’est de garder notre capacité d’assurer une exploitation durable des ressources halieutiques. Surtout à l’heure où des enjeux importants sont en train de se jouer. Je pense notamment à l’implantation des zones protégées et au Brexit.
LPDB : Deux questions majeures pour l’avenir des professionnels français ?
SPLG : La problématique des Aires Marines Protégées ou équivalent est un point crucial qu’il va falloir éclaircir assez rapidement. Nous devons rester extrêmement vigilants quant à la préservation de nos zones de pêche. A ce propos, l’OP et le Comité des pêches n’hésiteront pas à monter au créneau car restreindre encore nos zones de pêche entraînerait toujours plus de difficulté pour conserver notre flottille et la compétitivité des armements, petits et grands.
Pour le Brexit, c’est la même problématique mais avec encore plus d’inconnues. En Bretagne, par exemple, environ 50% de notre production provient des zones de pêche britanniques. Si le Brexit est « dur », ce sera très douloureux pour nous. Cela nous enlèvera à la fois des zones de pêches et des quotas. Mais pour l’instant, c’est le grand flou… L’OP est en train d’analyser la situation pour être en mesure d’éclairer les politiques et de faire des propositions constructives, le moment venu !
LPDB : L’Europe et la pêche connaissent une histoire vraiment compliquée ?
SPLG : Et ça continuera tant que l’on n’aura pas compris que la pêche ne peut pas servir de variable d’ajustement. En cas de Brexit « dur », on court le risque de provoquer de sérieux remous en déséquilibrant toutes les façades maritimes tant au point de vue économique, social que culturel. Cela aura un coût social énorme car n’oublions pas qu’un emploi en mer c’est quatre emplois à terre ! Les rapports contrariés de l’Europe et la pêche s’expliquent aussi certainement par une réactivité très lente des institutions communautaires. Un exemple : en 2016 nous avons constaté une abondance d’églefin tandis que les quotas restaient limités. On aurait dû pouvoir réviser le TAC en cours d’année, faire preuve de réactivité, ne pas se reposer sur des données déjà anciennes… Bref, assurer une gestion moins rigide avec des modes de décisions moins lourds.
LPDB : De quoi inspirer aussi le modèle français ?
SPLG : Pour moi, il est important de conserver un bon
équilibre entre les « gros » et les « petits » bateaux. Il faut conserver ce sens de la collectivité pour que tous les membres de l’OP soient assurés de pouvoir bien vivre de leur travail. Même si nous exploitons une ressource commune, chacun doit pouvoir assurer sa survie économique. C’est la raison pour laquelle, je souhaite que nous puissions pêcher tous les quotas qui nous sont alloués et valoriser au maximum la ressource. Il faut savoir défendre nos positions.
LPDB : Justement, comment comptez-vous défendre les adhérents de LPDB ?
SPLG : Moi, je serai juste un représentant, le visage d’une OP qui est composée d’un personnel expérimenté et très compétent. J’espère néanmoins enrichir le débat grâce à l’expérience que j’ai accumulée. Au fil des ans, j’ai effectivement été confrontée à pas mal de problématiques propres à notre filière.
LPDB : Vous pouvez être plus précise ?
SPLG : Aujourd’hui, toute la profession est confrontée à une sorte de paradoxe qui n’existe nulle part ailleurs, dans aucune autre filière : il y a abondance de ressource mais les prises sont très limitées par les quotas alloués. Entre ce que propose la Commission et ce que le pêcheur voit sur zone, il ne peut qu’être déstabilisé. Ce véritable abîme ne génère pas seulement de la frustration mais aussi des changements de stratégie qui vont entraîner à leur tour des problèmes structurels. En clair, quand un pêcheur abandonne son espèce-cible pour se reporter sur d’autres prises, cela peut créer des désordres sur le marché avec des baisses de prix plus ou moins brutales. Ce n’est déjà pas facile d’être patron pêcheur en temps normal mais là, c’est pour le moins… compliqué !
LPDB : Dans cette situation, que peut faire la nouvelle présidente de l’OP ?
SPLG : Je veux que les choses soient enfin claires ! Depuis de nombreuses années, j’en- tends plein de choses sur les quais mais je ne sais pas si les informations remontent vraiment. Je voudrais que les adhérents de l’OP puissent partager leurs doutes, échanger, poser leurs questions et, bien sûr, avoir des réponses ! Bref, que l’on puisse y trouver de la proximité d’une manière ou d’une autre.