Témoignage d’Yves Foëzon
En tant que nouveau directeur de LPdB vous vous inscrivez naturellement dans la droite ligne de votre prédécesseur, n’est-ce pas ?
J’ai collaboré étroitement avec Jacques Pichon pendant plus de 10 ans et nous avons toujours été sur la même longueur d’ondes avec une vision partagée de notre métier. Il est important de savoir d’où on vient pour savoir où l’on va. Donc oui je revendique une certaine continuité car nous avons bâti des fondations solides pour continuer à rendre un service proche des réalités des marins et à leur écoute. Maintenant, notre environnement évolue et les contraintes sont fortes, ça peut générer de l’incompréhension et de la frustration. Mais ce que je peux garantir, c’est que nous faisons tout pour optimiser sous contraintes une équation pas toujours facile à résoudre. Nous avons une équipe jeune et compétente qui apportera une autre vision tout en étant garante des équilibres entre ports, métiers…
Quels sont les aspects de l’OP que vous aimeriez bien développer ?
Il s’agit de mieux faire connaître le travail réalisé par l’équipe au quotidien, une meilleure visibilité de nos actions pour une meilleure compréhension. Il est vrai que le lot de contraintes qui pèse sur les marins doit être contrebalancé par des aspects positifs et valorisants. Le premier est de faire en sorte de créer malgré tout les conditions favorables pour que les entreprises soient rentables et que les marins gagnent correctement leur vie, nous agissons en faisant en sorte que les bateaux puissent travailler toute l’année. Cependant, il faut arriver à créer de la plus-value pour le marin et transformer un inconvénient en avantage. La gestion rigoureuse imposée aux navires est aussi la garantie d’une pêche durable et responsable. Tous ces efforts devront payer un jour, par un juste retour pour le marin car sinon on va vers des difficultés ! Rappelons tout de même que le contexte économique est bon en ce moment mais que la pêche fonctionne avec des cycles. Des bons et des mauvais !
D’une manière générale, que pensez-vous de l’état de santé de la filière ?
Nous sommes à un vrai tournant. Le RMD favorise un bon état de la ressource, la PCP a réduit la capacité des flottes, conclusion : les rendements des pêcheries sont plutôt bons et les navires doivent rejeter faute de quotas et en plus le marché est porteur. Ça pêche, les produits se vendent et l’OP freine l’activité, faute de quotas suffisants, mais malgré tout l’exploitation des navires est bonne voire excellente pour certaines flottilles. Cela génère de la frustration car le « gâteau » n’est pas suffisant mais il faut renouveler les navires et installer des jeunes, les marges de manœuvre sont faibles et les investissements sont nécessaires. Nous sommes garants d’une gestion collective et des équilibres pour nos sociétaires. La démagogie serait une source de
déséquilibres, et il n’est pas question de faire des promesses qu’on ne pourrait pas tenir, en particulier pour les jeunes. L’effort doit être entre les générations, on ne pourra pas maximiser sa sortie tout en réclamant à la collectivité d’assumer les nouveaux entrants et de dire qu’on ne fait rien pour les jeunes. Je le répète « le gâteau » va bouger à la marge mais il faut des droits de pêche pour garantir un avenir, c’est la meilleure aide que l’on puisse faire à un jeune. Nous sommes en première ligne sur le sujet, et c’est difficile.
Pensez-vous que, pour la pêche, le pire est passé ?
Ce qui est certain c’est que la pêche a un avenir mais il nécessite un changement des mentalités. Je sais que les marins y arriveront car depuis plus de quinze ans que je travaille à leurs côtés j’ai remarqué leur incroyable capacité d’adaptation. Pourtant, à l’impossible nul n’est tenu et ça la l’Union Européenne doit l’intégrer. La pêche est une activité économique importante et doit le rester en tant que telle. Les dogmes de l’UE en matière halieutique doivent être atténués, les extrêmes ne sont jamais bons. La collusion entre certains représentants de l’Union et les ONG environnementalistes n’est pas acceptable. Le système touche à ses limites sur certains aspects. Le soutien au BREXIT des pêcheurs britanniques doit notamment nous faire réfléchir comme le diktat des ONG environnementalistes dans les conseils consultatifs…
Et l’Europe dans tout ça ? Sa réglementation très contestée au début est-elle aujourd’hui plus facilement acceptée ?
Malheureusement si l’Union Européenne n’écoute pas les pêcheurs, elle risque de créer un « rejet » unanime de sa politique.
Le pêcheur doit absolument percevoir le fruit de ses efforts. Nous devons garder une dynamique de progrès sur la sélectivité, les plans de gestion à long terme … Cette dynamique doit intégrer les propositions des pêcheurs, de tous les pêcheurs, pas uniquement ceux qui plaisent à certains fonctionnaires européens. Avant d’être acceptée, la politique de l’Europe doit être partagée avec des ambitions à la hauteur de nos moyens. Non je devrais dire des moyens à la hauteur de nos ambitions. Et pendant ce temps, les pêcheurs doivent rester force de propositions et s’impliquer dans la représentation de leurs métiers.
Témoignage d’André Guéguen
Après 33 ans aux services des pêcheurs, le directeur délégué de l’OP – Les Pêcheurs de Bretagne – quitte l’organisation, il regarde rapidement dans le rétroviseur …
« Avant mon recrutement, en septembre 1983, débutait la première Organisation Commune des Marchés à la Pêche (OCM), avec la mise en place des mécanismes des prix de retrait communautaires et d’intervention par stockage. En France, le Fonds d’Intervention et d’Organisation des Marchés (FIOM) en avait la charge opérationnelle et financière (FEOGA), puis en janvier 1983, c’était la réforme de la Politique Commune des Marchés (PCP) avec licence, TAC et quota , mesures structurelles… Les dirigeants de l’OP sentaient alors que la charge de travail allait s’amplifier. Après avoir été proposé par les pêcheurs des différents ports, j’ai été recruté par le président et le directeur de l’époque. Je n’avais aucune formation particulière dans ces domaines techniques/juridiques et tout était à mettre en œuvre sur le terrain.
On peut donc dire que je suis un diplômé de L’OP (OPOB + Les Pêcheurs de Bretagne) car j’ai appris tout seul et cela m’a demandé pas mal d’autodiscipline pour être opérationnel. Je devais absolument me tenir informé en permanence, j’ai également dû lire beaucoup de textes réglementaires et me constituer un réseau professionnel européen échappant aux sphères parisiennes.
Au sein de l’OP, j’ai occupé tout les postes : secrétaire comptable, responsable administratif, secrétaire général, directeur. Mais je
me suis passionné pour le droit communautaire, la législation des pêches applicable en Espagne, en Irlande, en GB. Etc.
La création/fusion de l’OP Les pêcheurs de Bretagne entre l’OPOB et PMA est une suite logique de la quatrième réforme de la PCP et de l’OCM, notamment par la mise en place d’un plan de production et de commercialisation (une forme de délégation de gestion des marchés et de la ressource). Les moments forts et parfois catastrophiques ? Ce sont les nuits des conseils pêches à Bruxelles où il fallait rester éveillé, analyser, chercher et discuter… Tous les ans, entre le 13 et 17 décembre, cette réunion des ministres des Pêches et du Commissaire décide des droits de captures pour l’année suivante, et nos ministres successifs nous rencontrent après le vote avec les mêmes phrases «On s’en sort bien, cela aurait pu être pire, on partait de moins 45% et j’ai obtenu – 10% », Oui mais – 10% X xx années… Au final, il ne reste plus grand chose. »
Je souhaite une bonne continuation à toute l’équipe de l’OP qui sait cultiver avec talent rigueur, respect, mobilisation…