Quel avenir pour la pêche ?
Une grande étude prospective a été menée récemment pour imaginer ce que pourrait être l’avenir de la filière. Les multiples scénarios qui en ressortent ont pour objectif principal d’aider les professionnels de la mer à faire les bons choix. Entretien avec Marion Fischer, Déléguée Générale de France Filière Pêche
Les Pêcheurs de Bretagne : Cette étude prospective, c’est une première pour la filière pêche ?
Marion Fischer : Oui, c’est la première fois que nous faisons ce travail de prospective dans cette filière. Et c’était absolument nécessaire. Nous avons pris conscience en 2015 qu’il nous fallait prendre de la hauteur. Nous avons commencé par faire un état des lieux sur la compétitivité de la filière française, comparée à d’autres pays européens (FranceAgriMer, 2016). En parallèle, FranceAgriMer a réalisé, à la demande de France Filière Pêche, un exercice de prospective sur la filière française de la pêche maritime. Selon une méthodologie mise au point à l’INRA, cette cellule a eu pour objectif de construire collectivement, grâce à la production de milliers d’hypothèses, 4 scénarii décrivant des futurs possibles pour la filière pêche, plus ou moins favorables. Nous avons alors réuni une cellule d’animation, constituée de 25 personnes issues de la filière (professionnels, chercheurs, experts, administratifs), qui a organisé 19 réunions pendant 2 ans.
LPdB : Quel était l’objectif principal de cette étude ?
M. F : Ces scénarii ne sont pas un résultat en soi, mais un matériau pour la construction collective d’une stratégie de filière. Nous voulions faire réagir les professionnels de la mer et ne pas nous contenter de leur présenter les résultats d’une étude. Pour réussir à faire émerger des pistes d’avenir, tous les maillons de la filière ont été impliqués dans la réflexion, grâce à une méthode collaborative, expérimentée pour la première fois. Nous avons organisé six réunions dans chaque région maritime et réuni plus de 250 participants. C’était une expérience incroyable ! Les gens étaient très contents de ces temps d’échanges et notamment de la méthode de travail. A nous de transformer l’essai…
LPdB : La filière serre les rangs, se casse en deux, sauve les meubles ou le règne du chacun pour soi… Les quatre scénarii sont-ils tous probables ?
M. F : Pas du tout ! Aucun scénario n’est probable. Et ce n’est même pas le sujet de cette étude. Nous voulions simplement identifier les différentes réalités à long terme pour permettre aux professionnels d’actionner dès à présent les leviers pour y parvenir, ou non. En fait, nous souhaitions les inciter à se poser les questions suivantes : Où en êtes-vous aujourd’hui ? Et, que faut-il faire pour atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés ? C’est maintenant que la filière se porte globalement bien qu’il faut se poser toutes ces questions… Se poser les bonnes questions aujourd’hui, pour construire la filière de demain !
LPdB : Une filière unie semble être l’une des solutions pour éviter le pire ?
M. F : Oui, le collectif est un rempart efficace dans tous les cas de figure car la filière est constamment soumise à de multiples contraintes (attaques médiatiques, climat, pollution, réglementation, partage de l’espace, etc.) même si elle possède de nombreux atouts. Il nous semblait primordial de rappeler ce point pour éviter que chacun ne se replie sur soi. Les OP jouent en l’occurrence un rôle central dans le collectif notamment pour la gestion des droits de pêche et l’adéquation aux marchés.
LPdB : Vous avez présenté pour la première fois les conclusions de cette étude lors des Assises de la pêche (Quimper, septembre 2017). Comment la salle a-t-elle réagi ?
M. F : Dans un silence de cathédrale très impressionnant. On voulait interpeller la filière, je crois que l’on a réussi à faire passer notre message. L’électrochoc a fonctionné, semble-t-il…
LPdB : Quelles sont les prochaines échéances ?
M. F : Dans le cadre du Conseil spécialisé de FranceAgriMer, nous avons validé dès le début de cette année huit chantiers prioritaires qui aideront le ministère à définir un véritable plan de filière. Parmi ceux-ci on peut citer, différentes échéances : l’organisation de la première mise en marché, les flux d’informations dans la filière, la réflexion sur la gestion des droits en France ou l’attractivité des métiers… En juin prochain, nous profiterons des Assises de la Pêche qui se tiendront à Sète pour présenter une projection des travaux engagés pour une meilleure vision de la filière à quinze ou vingt ans.